"Je connais des papillons. De ceux que l’on ne regarde pas prendre leur envol et qui se transforment en marge de notre quotidien. Ces papillons ont des rires d’enfants et sont issus de chrysalides urbaines, fragiles, sales et nomades.
Moi, je ne suis qu’un œil qui a choisi de se perdre là. Au milieu de cette métamorphose secrète que je tente de saisir en partageant des moments de vie. Semblables à des insectes, beaux, vulnérables et parfois effrayants, certains aimeraient ne pas voir ces enfants près d’eux.
Ils ont cette liberté gênante et insaisissable que leur impose leur grande pauvreté. Ces enfants portent dans leur sang le témoignage d’un peuple, ils vibrent de cette culture nomade ancestrale.
Je suis à leur côté pour quelques mois de vie et j’observe leurs chrysalides. Elles sont tissées de déchets, de rebuts, des restes de notre quotidien consumériste. Au creux de ce que nous rejetons se constituent des abris pour des milliers de petites vies humaines. Presque une maison…
Ces refuges de fortune s’organisent, s’alimentent, se développent et accompagnent la transformation des futurs enfants-papillons. Il y a quelque chose d’obstiné dans le regard de ces enfants-papillons, il n’y a qu’une route qui mène à la vie et ils avancent d’un pas sûr.
Ils sont cette anomalie qui remet tout en cause par sa beauté.
Je me sens privilégiée de pouvoir m’approcher si près, d’observer cette métamorphose du beau en sublime. J’ouvre mes deux mains, l’une pour transmettre ce que je sais faire le mieux et l’autre pour recevoir, pleine de gratitude, cette force vitale qui les caractérise.Cette urgence de vivre le présent, cette capacité à remplir l’instant."
Olivia Paroldi